Aujourd’hui, un article un peu léger par rapport au contexte. Le thème n’est pas vraiment important, mais récurrent dans le monde de la bande dessinée.
De retour du festival d’Angoulême, j’ai eu envie de faire un petit article pour aborder le sujet sulfureux des dédicaces. Je vais essayer de faire une synthèse de mes observations et mes réflexions sur le festival d’Angoulême qui est un très gros festival.
Comme beaucoup, lorsque je me rends sur un festival, j’ai envie de rencontrer des auteurs, d’échanger 2/3 mots avec eux, et repartir avec un petit souvenir sur un de mes albums. Pour certains « lecteurs », c’est une questions d’opportunités, pour d’autres c’est un sport, une chasse.

Au festival, il y a plusieurs façons d’obtenir une dédicace, chaque stand, chaque éditeur gère la chose à sa façon. C’est souvent incompréhensible, à chaque demande d’informations, on obtient une version différente. Les règles du jeu ne sont pas claires et changent tout le temps. La seule chose dont on est certain, c’est que les auteurs sont présents que pour une durée limitée.
Les auteurs sont disponibles sur les stands des éditeurs, pour avoir le droit de faire la queue, il faut faire un achat. Ensuite, il n’y a plus qu’à faire la queue, premier arrivé, premier servi. L’attente peut être très longue, plusieurs heures, en fonction de la notoriété de l’auteur
Parfois il faut un ticket, rare car en nombre limité. Ce ticket peut être donner lors de l’achat d’un livre ou lors d’un tirage au sort. Le tirage au sort permet de donner sa chance à un plus grand nombre de personnes. Dans l’autre cas, il faut faire la queue et espérer être dans le premier, c’est la course.

Le côté pervers de tout ça, c’est que certains lecteurs sont prêts à faire de longues heures de queue, même d’être présent avant l’ouverture du salon. Ce temps est « perdu », car le lecteur ne profite pas du festival, il n’a pas le temps de voir les expositions ou même de se balader sur les stands peu connus pour y découvrir de nouveaux livres.
Pourquoi l’attente est si longue ? Simplement parce qu’une dédicace prend du temps. Enfin pas toute. Lorsque l’auteur signe, c’est assez rapide. Lorsqu’il fait un petit dessin, alors ça peut être très long, suivant les auteurs.
Lorsque l’on fait la queue dans une file d’attente pour une dédicace, on constate qu’il existe plusieurs profils. Le fan d’un auteur ou d’une BD, qui veut son petit souvenir et le collectionneur, organisé et équipé. Ce dernier est facile à reconnaitre, il a une petite chaise pliante avec lui, une valise à roulettes, et surtout il aime parler de ces exploits : « Il y a 3 ou 4 ans, j’ai fait 22 dédicaces en une journée dont 2 de Alex Alice… ». Dans sa chasse, sa quête, il n’a pas le temps ni l’envie de prendre en considération le savoir vivre. Il défendra sa position dans la file d’attente au péril de sa vie, et n’hésitera pas à faire dédicacer (dessin) 2 albums coup pour coup sans refaire la queue pour chaque album car il a 2 tickets et pas de temps à perdre. J’ai même vu une personne proposer 50€ à un gamin pour qu’il lui donne son ticket pour Don Rosa.

Cette discussion soulève plusieurs questions ? Pourquoi vient-on au festival ? Comment organiser les séances de dédicaces ? Qu’est-ce que doit être une dédicace ?
Pourquoi vient-on au festival ?
Faire des découvertes, rencontrer des auteurs, assister à des conférences et visiter des expositions. Je pense qu’on est tous d’accord là-dessus. Devant le nombre d’auteurs présents, il est extrêmement tentant de faire dédicacer des albums. A moins d’être hyper organisé et d’avoir des passe-droits, il faudra faire la queue, sans doute entre 1 heure et 3 heures par dédicace. Sur un festival de 4 jours, cela reste raisonnable, car il reste assez de temps pour faire d’autres activités. Mais tout le monde n’a pas la chance d’être présent sur une si longue durée. Lorsqu’on est là que pour une journée, est-ce que ça vaut le coup de passer sa journée à faire la queue pour 2 dessins ?

Comment organiser les séances de dédicaces ?
Le plus frustrant dans les dédicaces, c’est de faire la queue pour rien, d’attendre 2 heures, puis qu’on nous dise, c’est terminé, vous devez partir. Le système de ticket permet de savoir rapidement si l’on doit faire la queue ou non. En contrepartie, il faut être le premier à avoir le ticket. Donc, il faut faire la queue pour avoir le ticket, puis refaire la queue pour avoir la dédicace. Cette année, sur plusieurs stands, les tickets étaient distribués aux premiers à partir de 10h, heure d’ouverture du festival. Ceux qui ont eu les tickets, sont ceux qui ont des passe-droits grâce à leur badge ainsi que les super motivés qui faisait la queue dehors une heure (ou plus) avant l’ouverture. Le lecteur moyen fait la queue pour accéder au festival, et quand il arrive enfin devant le stand à 10h20, il a le droit au classique : « fallait être là à 10h, retentez votre chance demain ». C’est une impasse, le lecteur lambda ne peut pas avoir de dédicace d’un « gros » auteur. J’ai vu sur certains stands, des systèmes qui me semble plus juste, un tirage au sort, où l’éditeur mets à disposition entre 100 et 150 tickets dont une dizaine gagnante.

Qu’est-ce que doit être une dédicace ?
Il y a 2 types de dédicaces, la signature rapide parfois accompagné d’un petit mot, et sans doute la plus recherchée, le dessin. Le dessin est beaucoup plus long à faire, c’est pour ça que l’attente est longue et les places limitées. Pour ma part, je suis très content quand j’ai un dessin, mais j’aime aussi beaucoup la signature avec le petit mot. D’ailleurs comme c’est rapide, j’en profite pour faire signer des albums que je vais offrir. Pour les dessins, plus le temps passe, moins je suis motivé à faire la queue. Quelque fois je vois des auteurs sans personne, et dans ce cas, j’achète leur album pour le faire dédicacer et ça me permet de faire une découverte. Il faut peut-être repenser la dédicace. Dans un grand salon, où il y a beaucoup de monde, est-ce qu’il est vraiment nécessaire de faire un dessin très soigné avec crayonné, passage à l’encre puis peinture ? Est-ce que la majorité des lecteurs ne se satisferaient pas d’un dessin minimaliste qui permettrait d’augmenter le nombre de dédicaces ? Ou bien simplement une signature et un petit mot sans dessin ? Certains auteurs comme Loisel utilisent un tampon. Par lassitude ou pour gagner du temps ? Je ne sais pas, mais ça permet d’avoir rapidement un petit quelque chose de sympa sur son livre.

Et les auteurs là-dedans?
Pour l’instant, je n’ai parlé pratiquement que du point de vue du lecteur, mais la situation des auteurs n’est pas forcément très enviable. Devoir dessiner à la chaine pendant des heures ce n’est sans doute pas une situation très agréable. Les auteurs ne sont pas rémunérés pour les dédicaces, on peut considérer qu’ils font de la promotion pour leurs albums. La problématique, c’est que certaines personnes utilisent leurs dédicaces pour se faire de l’argent en revendant les albums. Cette situation est paradoxale. Des auteurs qui vivent difficilement de leurs œuvres font gagner de l’argent à des personnes grâce à un travail non rémunéré. Comment y remédier ? En arrêtant les dédicaces ? En faisant payer les dédicaces ? En dédicaçant en masse pour faire chuter la spéculation ?

Voilà, j’ai peut-être oublié des choses, sans doute je n’ai qu’effloré le problème, mais je pense que le sujet mérite débat car il y a de plus en plus de monde dans les festivals, et de plus en plus de gens mécontents, que ce soit du côté des lecteurs ou des auteurs. Pour ma part, de ce que j’ai vu, la solution qui me semble la moins pire serait de privilégier des séances de dédicaces courtes, signature avec un petit mot, ou dessins minimalistes très rapides. En cas de place limités, tirage au sort pour laisser sa chance aux gens. Et bien sûr pour ceux qui veulent le beau dessin pourquoi pas faire quelques tickets payant (à un tarif raisonnable).
Pour info, dans ma bibliothèque, j’ai essentiellement des dédicaces de Loisel et de Trondheim car c’est des auteurs que j’adore et qui en plus dédicacent très rapidement.

J’ai également une chouette dessin de Don Rosa qui a été obtenu suite à une très longue attente. Un premier tirage au sort perdu avec une attente de 1h30, puis le lendemain un second tirage gagnant de la même durée, et enfin la queue pour le dessin de 2h. Au final, 5 heures d’attente pour un dessin, est-ce bien raisonnable ?
Parasites de Stan Silas Freaks’ Squeele de Florent Maudoux Donjon de Trondheim Biguden de Stan Silas Donald de Nicolas Keramidas Anuki de Stéphane Sénégas Lapinot de Trondheim Voro de Janne Kukkonen